vendredi 18 mars 2011

Mon histoire avec Ettajdid (1/5)


Par : Karim Mejri


1. Les prémisses d’un engagement

Comme beaucoup de Tunisiens, au début des années 2000 je croyais encore au miracle tunisien, que Ben Ali était irremplaçable et que même s'il y avait des abus, ce n'était pas grand-chose, etc. Je fais partie d’une certaine élite qui a bénéficié du système et qui a pu partir poursuivre ses études en France, avec de belles perspectives de carrière. De toutes les façons la politique ne m'intéressait pas, je regardais le journal télévisé rarement et je savais que certains observateurs internationaux n'étaient pas tout à fait d'accord avec les manières du régime tunisien. Je savais qu’il y avait des pratiques douteuses, de la répression, etc., mais mon attitude ne différait pas de celle de la plupart des Tunisiens à l’époque : bosser et se taire, regarder ailleurs et parler de foot.

Puis mes opinions ont commencé à changer avec l'arrivée d'internet dans ma vie (par là je veux dire : une connexion quotidienne chez moi en haut débit et du temps disponible). J'ai commencé à comprendre qu'il y avait quelque chose qui allait vraiment très mal dans le pays et que le système que Ben Ali avait mis en place était largement responsable de la situation (manque de libertés publiques, pratiques anti-démocratiques, développement à deux vitesses, médias muselés...). Etant issu du nord ouest j’étais particulièrement sensible aux inégalités régionales. Le référendum de 2002 avait déjà réveillé mes soupçons et je me doutais que derrière le discours officiel se cachait une volonté de s'accaparer le pouvoir pour longtemps et d'instaurer un régime pour le moins autoritaire, pour ne pas dire dictatorial, qui servait les intérêts d’une toute petite partie de la population aux dépends de l’immense majorité du peuple.

En 2009 je me suis intéressé davantage à la politique, avec les élections qui approchaient. Dès le mois de mai, A. Brahim avait déclaré qu'il voulait une compétition "d'égal à égal" avec Ben Ali. Cette audace m’avait profondément marqué, les autres candidats à la présidentielle avaient déclaré qu'ils n'avaient pas l'intention de concurrencer Ben Ali mais ils étaient là juste "pour promouvoir la démocratie". J'ai compris qu'il y avait des partis autorisés qui faisaient de la "vraie" opposition (je parle là de 3 partis : PDP, Ettajdid et FDTL). Mais ma connaissance et ma position vis-à-vis de ces 3 mouvements étaient très différentes : je trouvais le jeu du PDP louche, car ce parti regroupait des nationalistes arabes, des gauchistes et des islamistes sous la bannière de la lutte contre la dictature, sans idéologie claire (ni de gauche ni de droite, ni islamiste ni nationaliste arabe). Le FDTL m'était inconnu, à part quelques vidéos de son fondateur, Mustapha Ben Jaafar. En revanche, de mon point de vue, Ettajdid avait le mérite d'avoir un discours clair sur certains points particuliers que je résumerais ainsi :

- Lutte contre le système du parti dominateur, mais avec des moyens légaux et en utilisant l'espace de liberté permise par le pouvoir

- Lutte pour la promotion de la laïcité et la défense des droits de la femme et du CSP 1, sans forcément imposer une laïcité "à la française"

- Positionnement à gauche affiché et assumé, en faveur d’une justice sociale, sans pour autant être communiste

J'étais à 100 % d'accord (je le suis encore) sur tous ces points (alors que je trouvais la position du PDP par exemple peu claire sur ces 3 points). Le raisonnement d'Ettajdid était d'accepter les règles du jeu imposées par le pouvoir et de gagner du terrain ensuite, c’est-à-dire rester légaliste jusqu’au bout. Ça m'a suffi pour m'intéresser à ce parti et à son historique et j'ai découvert en particulier qu'en 2004 ils avaient déjà présenté un candidat (Mohamed Ali Halouani) contre Ben Ali qui avait déjà un discours plus radical que les autres candidats. Pour l’anecdote, l’ancêtre d’Ettajdid, le Parti Communiste Tunisien, avait été fondé avant même la fondation du parti Destour (ancêtre lointain du RCD) par Abdelaziz Thaalbi.

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1 CSP : Code du Statut Personnel

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